Latitude Nord :Historique du Hip-Hop islamique au Québec



La mouvance du rap islamisé au Québec remonte à la fin des années 1980. Selon les recherches de Roger Chamberland PhD, un rappeur caucasien  et anglophone connu sous le pseudonyme de Maleek Shahid affichait clairement sa foi islamique à travers son hip-hop , entre la fin des années 1980-début 1990. Le collectif  hip-hop Thug Muslims concrétisé dans les rues criminalisées de Montréal-Nord attise un réseautage entre plusieurs rappeurs, promoteurs, activistes, gangsters et entrepreneurs de confession musulmane dès le  début de la décennie des années 1990. Ces tenants sont vraiment imprégnés de l’orthodoxie musulmane. L’ascension  du collectif Thug Muslims à travers la culture hip-hop québécoise se fait par la concrétisation de la formation Star-N-Crescent entre 1992-1993. À cette époque, plusieurs membres de la formation Star-N-Crescent sont des fervents adeptes et pratiquants de l’Islam Sunnite Orthodoxe. Les membres pionniers de la formation sont : Kryme X, Nine, Caliphe, Jyhad, Agent 007, Elie, Karma Flage. Se joignent à la formation  des membres complémentaires et peu religieux comme  D.J Blast et D.J Kamistry. Suite à l’établissement de la Nation de l’Islam au Québec aux alentours de 1993 par l’activiste religieux Linwood X, la formation prend un virage purement afro-islamique et panafricaniste. Plusieurs références aux enseignements de la Nation de l’Islam, des Fivepercenters(5%), ainsi qu’aux textes du très honorable Elijah Muhammad, Malcom X, l’honorable Louis Farrakhan et Clarence 13X (Father Allah) apparaissent dans les raps de Star-N-Crescent et dans leur phraséologie. En outre, cela apparaît dans les lyriques de leur premier tube radio, X-Filez, entre 1996-1997. Plusieurs conférenciers et activiste afro-américains alimenteront l’idéologie islamique et radicale chez les jeunes des ghettos montréalais.



Le Dr. Khalid Abdoul Muhammad effectue une conférence à Montréal entre 1996-1997. À cette époque, le Dr. Khalid était un ardent défenseur de l’Idéologie «  Black Power » ainsi que le représentant national de L’honorable Louis Farrakhan. Tout au cours des années 1990 le  Dr. K.A Muhammad était sollicité par la communauté hip-hop américaine, il a collaboré avec plusieurs artistes dont : 2pac, Ice Cube, Public Enemy et tant d’autres. Khalid Abdoul  Muhammad était un proche collègue de l’honorable Linwood X, l’instaurateur de la Nation de l’Islam au Québec. En 1997, le Dr. Khalid Abdoul Muhammad conçoit le New Black Panther Party. En septembre 1998, il organise la Million Youth March aux États-Unis, Linwood X et ses adeptes y assistent et  apportent un soutien logistique. 


                         Le Dr. Khalid Abdoul Muhammad, fondateur du New Black Panther Party

Quelques années auparavant, d’autres organisations montréalaises fournissent de l’information aux jeunes des quartiers défavorisés intéressés à l’Islam, panafricanisme et l’activiste social. Une de celles-ci est Le Centre A.K.A X, il est administré en partie par Xcada Lumumba et Garvin Muhammad. Une autre organisation du nom de The Metaphysical Institute of Amen-Ra semble aussi avoir fourni plusieurs informations et documentations aux jeunes intéressés par l’Islam, l’activisme social et le nationalisme noir. Le Centre A.K.A X renseigna une forte partie de la jeunesse située dans l’est et le nord de Montréal, car il était localisé au 6617 rue Papineau (Montréal). Quant à lui, The Metaphysical Institute of Amen Ra  fut à l’écoute du secteur anglophone de l’ouest de Montréal, leur local était situé au 5108 boul Décarie (Montréal). Plusieurs artistes hip-hop du Québec ont emboîté le pas dans la mouvance du rap islamiste/panafricaniste dont : Mizery, Judge Dread Mathématik, OSIRIS, L’Organisation des Négros Unis et Miss Vicky J. Cette dernière Miss Vicky J est une des premières femmes dans le hip-hop au Québec à évoquer dans son rap des rimes faisant allusion à un syncrétisme entre : l’Islam, le Vaudou, l’Animisme et l’Occultisme.










Au début du millénaire, la formation B.M.O.D ( Black Men of Distinction) renfermant des rappeurs de Star-N-Crescent, CMV( Creator of Magnificient Rhymes) , des membres de l’Azil 67 ainsi qu’un soutien de D.J Dave réalise la compilation Souljah Story. Véritable Véridik (anciennement Éli de Star-N-Crescent) surprend plusieurs par Racine et Bèt Lan. Il est officiellement le premier rappeur créolophone de confession islamique à avoir marqué le hip-hop underground au Québec. Ces deux pièces en rotation  sur les ondes des stations communautaires de Montréal,  notamment sur 101.5 FM CIBL et 103.7 FM, promotionnent grandement Souljah Story. Sortie en janvier 2001, le projet Souljah Story  honore Linwood X, le fondateur de la Nation de l’Islam en sol canadien, décédé à l’automne 2000. Cette compilation hip-hop est aussi un hommage au fils de ce dernier, Killer Don, mort assassiné en 1999.

Linwood X ( Hassan Rasul Muhammad)
fondateur de la Nation de l'Islam au Québec et au Canada




Dans un registre parallèle,  des jeunes de la communauté maghrébine du Québec affichent leurs attraits culturels, à travers le hip-hop québécois vers la fin des années 1990.  Cependant, ces néo-québécois préfèrent décrire leur réalité sociologique et leur appropriation territoriale à la société d’accueil québécoise que de s’adonner à un rap axer que sur des références islamiques. Ces derniers semblent plus inclusifs et cosmopolites dans leurs rimes. C’est en partie le cas d’artistes tels : Royal Hill, El Winner, Trez Charif( Rime Organisée), Hafid  et tant d’autres. On se rappelle du mélodieux morceau- La Primadonna-  issu de la compilation Montréalité 1999, tandis que Trez nous offre le classique Si y a moyen en début 1998.

Les rappeurs El Winner et Trez concrétisent la formation Latitude Nord vers la fin des années 1990. Un premier album, Dis-Leur , sort en début 2001 sous les disques Universal Music Group. La formation y aborde une forte gamme de sujets diversifiés :  Moi Ici, toi là-bas le milieu carcéral, Au royaume des borgnes les arnaques du milieu artistique et le piratage , Faut qu’on s’mobilise en collaboration avec des membres du collectif la Brigade explique l’interconnexion hip-hop entre le Québec et la France. De surcroît, Young Gun Killers aborde la marginalisation sociale, et À chacun son Jah  le nihilisme religieux.  Vers la moitié des années 2000, plusieurs autres hip-hopeurs maghrébins du Québec se créent une excellente réputation dans le milieu artistique underground. 

                                          
                                                                            

Les emcee’s K-Rim , Amor-C et 4-Say représentent très bien l’intégration de jeunes maghrébins à la culture hip-hop québécoise,  de la moitié des années 2000 au début des années 2010. Leurs réalisations artistiques parlent d’elles-mêmes. 4Say compte à son actif des projets très respectés comme : Dire tout haut ce que les gens pensent tout bas (2005), Uranium (2010), Sans Frontières (2014). Quant à lui, K-Rim a produit des projets très créatifs au sein du milieu hip-hop québécois comme : Intelligence artificielle (2010), Cracheur de feu (2010), Déjà vu vol.1 (2012). 4Say et K-Rim ainsi que d’autres rappeurs maghrébins de Montréal comme ( Cheb Nino, Zoofree, Moubaraka, Fennec et tant d’autres) constituent le méga-collectif – Mafia Maghrébine.  À travers leur mixtape, ceux-ci revendiquent certains aspects liés à la culture musulmane contextuelle au Québec et en Amérique du Nord. Or, il n’est pas question de fondamentalisme religieux ou de radicalisme islamique dans tous les cas. De là nous pouvons remarquer  une légère démarcation idéologique,  entre la Mafia Maghrébine des années 2000 et le Thug Muslims des années 1990 dans l’Historique de la culture Hip-Hop Québécoise. 



                     

Vers la moitié des années 2000, Star-N-Crescent fait un retour en force dans le milieu hip-hop québécois. La formation utilise l’acronyme SNC et  se réinvente dans un rap capitaliste, gangster et hédoniste à des années lumières du fondamentalisme religieux du Thug Muslims des années 1980 et 1990. SNC (Star-N-Crescent) est alors composé de trois membres : Kryme X, Caliphe & Nine. La formation réussit à compiler différents tubes à succès sur diverses plateformes numériques comme www.hhqc.com , www.hiphopfranco.com  et tant d’autres. Par-dessus tout, SNC se crée une renommée commerciale dans le milieu des radios urbaines états-uniennes (ex : Boston, New-York). La pièce Squish et le fameux slogan Glamour Life Right Herrre  sont retentissants à l’échelle nord-américaine. C’est au sein de leur compagnie de disque Glamour Life records que SNC accompagné de la formation South Squad, D.J Kamistry et de Sabrina Jean que l’on voit apparaître l’album Diamond Minez ( printemps 2005). Parallèlement entre 2004-2005,  le collectif BMOD réalise son dernier projet M.O.C ( Master of Creativity). Tout comme Souljah Story,  cette nouvelle compilation hip-hop affiche grandement l’idéologie afro-islamique de la Nation de L’Islam appliquée au sein de la société québécoise.  Vers le printemps 2006, la mixtape Thug Taoism du trio SNC doit paraître. Cependant, diverses raisons conjoncturelles empêchent sa sortie.

 Le rappeur K-Rim ( Mafia Maghrébine)



À la fin des années 2000, quelques rappeurs multiplient des références interculturelles dans leurs raps qui font allusion  à la perception occidentale de l’Islam dans la société québécoise du 21ième siècle. Notamment, c’est le cas de Manu Militari avec des pièces comme Montréalistan et la Traversée du Lac Nasser. D’autres artistes démontrent par moment, une compréhension culturelle de la jeunesse musulmane et pluriethnique issue  secteurs défavorisés du Québec des années 2000 et 2010. 



                                     





Informations complémentaires :
Kapois Lamort, Les Boss du Québec, R.A.P du Fleur de Lysée ( analyse sociohistorique et sociologique du hip-hop dans la société québécoise) 338 pages, éd. Production Noire, 2014







Comments

  1. Wow!!! je ne savais qu'il y avait une influence de l'islam dans l'histoire du rap québécois et canadien !!!!

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